Conte pour adultes

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Blanc comme le goéland, comme l'écume de l'Océan, comme les coiffes de nos grand'mamans.
Noir comme le drapeau breton, comme le mortas brieron, comme le blé de la chanson.
C'est par ces quelques mots que commence l'histoire insensée raconté par Saint-Joachim à la Madeleine de son coeur, un soir d'été au milieu d'un champ de blé. Comme leurs parents Saint-Guillaume et la Turballe, ils vivent depuis toujours dans la presqu'ile guérandaise.
Avec eux Saint Yves et Sainte Anne avaient enfanté la Bretagne. Pareil à tout couple qui se respecte Saint Joachim et La Madeleine eurent beaucoup d'enfants. Ces enfants, leurs enfants et petits enfants firent nos parents qui nous ont rapporté cette belle histoire.
Tout était plus simple alors, à l'abri des dolmens, des menhirs dans la lande, et la bruyère. Les petits bisous étaient doux, les mots d'amour sincères, c'était sans compter sur les Korrigans. Eux s'ennuyaient.
Depuis toujours ces diablotins, à tous et à chacun, ils aiment jouer des tours. Le soir de la Noëlle de l'année des méduses, à travers la vitre de la grande salle, ils virent Joachim et la Madeleine, préparer le repas d'après la messe de minuit.
Une énorme bûche dans le grand fouillé (foyer) allait brûler toute la nuit et les sabots étaient alignés pour la visite du bon vieux pépé Noël.
A l'appel des cloches de la petite chapelle, blottie près des rochers battus par les vagues, se tenant par la main, nos amoureux éclairés par leur lampe tempête, filèrent chanter "Douce nuit".
Ce fut le moment choisi par nos petits lutins pour entrer par un tour de passe-passe et pour remplir chaque pettecouêt (sabot de bois) de grosses pièces d'or, brillantes comme des étoiles.
Sur la grande table, ils posèrent une épaisse galette de sarrazin, un petit pot de miel et une bouteille de chouchen.
ils entendirent alors le pas de nos métayers, sur le sol gelé.
Sautillant comme des guillemots, ils prirent la clé des champs.
Saint Joachim et la Madeleine tirant sur le courouille (verrou) restaient là, pétrifiés. Comment, si ce n'est que par miracle, recevoir autant de pièces d'or?
Les posant sur la nappe, pour pouvoir les compter, ils trouvaient qu'elles étaient légères, mais qu'importe l'argent reçu n'a pas de poids, pas d'odeur.
Ils dînèrent en silence puis s'allongèrent dans le grand lit clos.
Ce n'est qu'au petit matin gris, qu'ils virent les jolis papiers dorés qui enveloppaient les pièces en chocolat.
Les souris dansaient de joie, le chat n'était pas là.
Ce qui fait dire de ce temps passé: que l'argent ne fait pas le bonheur. Il vaut mieux être pauvre et heureux que riche et malheureux.


Novembre 1998 (prix de la participation) Hivernales Saint Joachim

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