Autrefois, Avant, Antan (version 2)

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Il n'y avait sûrement pas en ce temps-là quelqu'un pour raconter ce qui se passait dans cette grande forêt de chênes celtes garnis de bouquets de gui.

Les dynosaures y vivaient en rois, se déplaçant en rapides enjambées de leurs longues pattes terminées par des ongles coupants, leurs servant d'armes de chasse et de défense. Lors d'une bataille sanglante pour un gros cachalot échoué sur la côte sauvage, ils se traînèrent, se roulèrent, se tirèrent par la queue avec une telle force qu'ils ouvrirent un énorme sillon où l'océan s'engouffra.

Les vagues déferlantes, écumantes, rugissantes arrachaient tout sur leur passage. Les grands chênes se couchèrent. Plus de forêt. Que de l'eau. De l'eau à perte de vue. Le sillon bien que large et profond débordait. Au gré des terrains, les ruisseaux ainsi formés devinrent des étiers en bordure de la mer, des canaux en plat pays aujourd'hui "La Brière".

Que sont devenus les dynosaures? Disparus à jamais. Ont-ils généré les écrevisses? Ces mystérieuses bestioles qui prolifèrent dans les piardes et les roselières.

On peut imaginer à chaque découverte d'un tronc noir et statufié appelé: Mortas, que la vie en ce temps-là n'était qu'animale et végétale, et pourtant de génération en génération on rapporte la légende du Korrigan druide qui rêvait chaque nuit de la fée Sirène des Flots.
Quittant sa forêt, entouré de ses fidèles lutins portant de gros vers luisants, il se dirigeait vers les rochers escarpés de la côte sauvage. La serpe qui avait coupé le gui brillait sur la lande. Tous assis en rond (aujourd'hui rond des sorcières), ils chantaient à plein poumons. Telle la mouette rieuse et amoureuse, leurs chants attiraient les anémones de mer, les oursins défenseurs, les hippocampes fiers et majestueux, toute cette faune qui formait la cour de Sirène des flots.

Il a fallu beaucoup de veillées dans les chaumières, de rassemblements sur la falaise dans les ajoncs, la bruyère pour que vivent en harmonie: gens de la côte et brièrons tout en nuances de noir, de blanc...
Le noir c'est la tourbe qui réchauffe les maisons, qui grille les pimpenaux.
Le noir c'est le mortas dont on fait des statues, des pipes, des stylos.
Le noir, c'est le goudron qui protège la coque des chalands.
Le noir, c'est la couleur des chapeaux et du drapeau bretons.
Le blanc, c'est le sel récolté chaque été dans les oeillets des marais.
Le blanc c'est l'écume des vagues où se posent les goélands.
Le blanc, c'est celui des coiffes, de l'hermine, des jupons.

Un barde a raconté qu'il avait assisté au mariage de Sirène des Flots avec le Korrigan druide. Le couple assis à l'arrière d'un belin (joli bateau de Brière) était entouré de joyeux lutins portant bouquets de genêts et chantant l'hymne breton.
Sous les pommiers en fleurs: des tables et des bancs taillés dans des troncs. Tables garnies de grosses miches de pain cuites dans le four construit de pierres et de terre et chauffé par des fagots. Fours où se doraient: pâtés, rôtis et fars aux pruneaux.
Le chouchen et le cidre ont dû couler à flots car depuis, par les belles nuits d'été on entend encore les rainettes donner l'aubade.
Elles rappellent à ceux qui prennent le temps d'écouter qu'il y a eu, il y très longtemps: Le mariage du Pays Noir et du Pays Blanc.


Conte n°3:2001

Publié dans Contes

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